Depuis les années 60, l’ostéopathie en France a mené une quête incessante pour obtenir une reconnaissance bien méritée. Ce parcours sinueux a modelé l’ostéopathie, lui conférant une dimension à la fois traditionnelle et moderne. Traditionnelle pour ce qui est du respect de ses origines, moderne dans son désir d’intégration dans le paysage médical.

Au cœur de l’évolution de l’ostéopathie française se cache une recherche de légitimité officielle. Cette quête est à double tranchant. Elle a apporté une structure, une organisation et une standardisation dans l’enseignement de l’ostéopathie. Elle a aussi conduit à une certaine dilution de sa spécificité originelle, l’ostéopathie s’alignant progressivement sur les pratiques de la médecine conventionnelle.

L’ostéopathie, dans sa recherche de restriction de mobilité, adopte avant tout un diagnostic palpatoire. L’imagerie ou la biologie ne sont utilisées que comme un rempart, comme une possible limitation de son action, jamais comme éléments diagnostiques. De plus, moins la technique employée est manipulative, plus le champ des contre-indications se restreint.

Les diagnostics sont alors différents et peuvent paraître contradictoires. Une sciatalgie associée à une image d’hernie discale soulagée par l’ostéopathie nous laisse entendre que l’origine de cette névralgie n’était pas la hernie. Une algie plantaire peut être soulagée par un travail de la fosse pelvienne malgré la présence d’une épine calcanéenne. Pour nous, le diagnostic médical est donc limitant. Seule la palpation nous renseigne efficacement, et dans le processus de palpation, l’intuition prend une place notable.

Cependant, la modernisation de l’ostéopathie a introduit des pratiques empruntées à la médecine comme l’EBM (evidence-based medicine). Cette évolution a réduit la dépendance à l’intuition, privilégiant des méthodes plus objectives et quantifiables. Certains pensent que cela a accru la crédibilité scientifique de l’ostéopathie, je dirais que cela a plutôt éloigné la pratique de ses racines, fondées sur une compréhension plus intuitive et personnalisée du patient.

L’intuition, en effet, joue un rôle central dans l’ostéopathie. Elle est le fruit de l’expérience et de l’apprentissage, se manifestant comme une capacité à percevoir et à répondre aux besoins du patient de manière presque instantanée. Cette intuition n’est pas seulement un sens aigu du toucher, mais aussi une synthèse complexe de toutes les connaissances et expériences de l’ostéopathe. Elle permet de capter des informations subtiles qui échappent aux investigations médicales.

Dans la pratique moderne, l’intégration de l’intuition et de la connaissance académique est cruciale. Les ostéopathes doivent apprendre à libérer et à affiner leur intuition, la combinant habilement avec les connaissances théoriques et cliniques acquises. Cette synthèse permet de tirer le meilleur des deux mondes : l’approche personnalisée et profondément humaine de l’ostéopathie héritée de ses créateurs et la rigueur et l’objectivité de la modernité.

La médecine elle-même a beaucoup progressé en mettant de côté l’intuition au profit de méthodes plus objectivables, la sortant de l’ornière des croyances au profit de l’expérimentation. Ces avancées bénéficient à l’ostéopathie, lui donnant accès à une banque de données phénoménale. Cependant, il est essentiel de ne pas perdre de vue l’importance de l’intuition, un outil diagnostique incomparable en termes de rapidité et de précision.

En conclusion, l’ostéopathie, telle que pratiquée en France depuis les années 60, a connu une transformation significative. Elle a évolué d’une approche principalement intuitive et holistique à une pratique plus structurée et alignée sur la médecine conventionnelle. Cette évolution a ses mérites, notamment en termes de reconnaissance et de standardisation. Toutefois, il est vital de maintenir un équilibre entre les deux approches. L’intuition et l’approche personnalisée ne doivent pas être éclipsées par l’adoption de méthodes plus objectives. L’avenir de l’ostéopathie réside dans sa capacité à intégrer harmonieusement ces deux aspects, offrant ainsi le meilleur des soins à ses patients.

Bruno Mitaine, Ostéopathe DO